Philosophie et phénoménologie du corps : à la découverte du corps propre.

 

 

            Il faut attendre la Modernité, la révolution cartésienne et la découverte de la subjectivité, pour le corps propre, c’est-à-dire le corps vivant et vécu, s’ouvre à la pensée. Pour l’Antiquité, comme pour les siècles qui lui succèderont, le corps est en effet pensé, non comme propre, mais comme Microcosme, c’est-à-dire comme l’image réduite, l’analogon,  d’un Macrocosme nommé Nature. Si le corps est décrit dans ses mouvements, c’est donc en quelque sorte à la troisième personne, sous l’œil du spectateur étranger scrutant la physis.

Ce cours tentera d’abord de révéler en quoi Descartes rend impensable cette harmonie, en découvrant le corps propre comme problème. Mais il ne le découvre que pour aussitôt le recouvrir, en lui apposant la caduque union de l’âme et du corps. Derrière cette union, qui deviendra un des thèmes les plus chers de la philosophie classique, tout particulièrement française, se cache en somme un refus du corps, dont une grande tradition de pensée reste encore tributaire.

Il faudra attendre Maine de Biran pour que le problème du corps franchisse à nouveau les bornes du mécanisme et du finalisme. De ce penseur trop méconnu hérite toute la phénoménologie française, et ses précurseurs, tel Bergson. Nul doute que le thème du corps y trouve sa plus grande place, et que Michel Henry, comme Merleau-Ponty, ouvrent tous deux des voies essentielles au dépassement du dualisme.

C’est tout particulièrement la tentative merleau-pontienne qui retiendra ici nos efforts, car elle a l’incomparable mérite de s’être heurtée aux sciences naturelles et humaines, et d’en avoir discuté dans le détail les méthodes et les conclusions quant au problème qui nous occupe – ce que nous tenterons aussi de faire. Depuis cette pensée, il nous deviendra enfin possible d’élargir le dialogue avec d’autres phénoménologues, tels Husserl et Patočka.

 

 

 

 

Bibliographie indicative :

Pour les ouvrages difficilement consultables par les étudiants, des extraits seront distribués. Nous les signalons par un astérisque.

 

-         Descartes, Méditations métaphysiques,  Seconde et sixième méditations (édition libre).

-         Maine de Biran, Essai sur les fondements de la psychologie et sur ses rapports avec l’étude de la nature *, Tomes VIII et IX, Œuvres de Maine de Biran, édition Tisserand, Alcan, Paris, 1932.

-         Henri Bergson, Matière et mémoire, CH 1 : « De la sélection des images pour la représentation. Le rôle du corps », PUF, Paris, 1939.

-         Michel Henry, Philosophie et phénoménologie du corps*, PUF, Paris, 1965.

-         Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, Première partie : le corps, Gallimard, Paris, 1945.

-         Maurice Merleau-Ponty, La Nature*, Cours du Collège de France (1957-1960), éditions du Seuil, 1994.

-         Maurice Merleau-Ponty, Le visible et l’invisible, Gallimard, Paris, 1964.

-         Jan Patočka, Papiers phénoménologiques, Millon, Grenoble, 1995.

-         Jan Patočka, La phénoménologie du corps propre (article)*, in Etudes phénoménologiques, Ousia, Bruxelles, 1985.